Non, rassurez-vous, je ne me prends pas pour Jean de la Fontaine. Je n’ai nullement son talent, ni d’ailleurs la prétention de le copier.
Mais deux situations récentes d’entreprises que je connais bien m’ont rappelé la scène de la nourriture des gros reptiles, comme ses enseignements possibles pour nous tous.
Les Boas sont de gros serpents qui peuvent mesurer jusqu’à 3m et peser 15Kg. Ils se nourrissent, selon leur taille, de rongeurs, de lézards, … voire plus gros. En captivité, ils sont installés dans un vivarium, leur mode de vie étant alors différent de celui qu’ils ontdans la nature. En effet, leur nourriture leur est apportée avec régularité. Ils se reposent et se terrent quelques jours à une semaine en attendant leur proie.Lorsque leur nourriture leur est apportée (souris, mulot, campagnol, petit lapin, …)elle est le plus souvent déposée vivante dans un coin, afin que le boa détecte leur présence.
Lui ne bouge absolument pas, cille à peine ses yeux, et observe la situation sans aucunement bouger. La proie, elle, batifole, cherche de la nourriture, va et vient sans remarquer aucune présence, ce qui créée une scène assez singulière, car l’être humain qui observe cette situation et sa suite probable est interpellé de la relative « passivité » de la situation. Celle-ci peut durer de très longues minutes, voire plus.
Puis, à un moment donné et tout d’un coup, le reptile se détend à une vitesse foudroyante, se jette et enserre sa proie dans ses anneaux, l’étouffe, puis l’ingère tranquillement. Ainsi repu, il va digérer et somnoler pendant quelques temps. La scène a duré quelques dizaines de secondes, pas plus.
La séquence et la situation que je viens de vous décrire est riche d’enseignements pour la vie professionnelle. Je vous en livre quelques-uns, qui pourraient interpeller certains spécialistes en Fusions-acquisitions.
Mais pas que … et pas qu’eux ! Décodage(s).
LE PREDATEUR
Le prédateur joue avec le temps, même si la faim le tenaille. Il sait qu’il doit « jouer » adroitement afin de ne pas s’épuiser ou de rater sa cible. Ou les deux. Il observe attentivement, se prépare à bondir, et guette de tous ses sens l’occasion, la seconde opportune, …Quand il juge que ses critères, ses référentiels sont optimaux, il fonce, bouscule tout, et va droit au but.
Dans la vie professionnelle, cela se passe fréquemment comme cela. Vos prédateurs sont en embuscade, prennent leur temps, se renseignent, bâtissent scenarii et hypothèses, optimisent la situation … avant de concentrer toutes leurs forces pour agir à un moment donné, celui qui leur sera le plus favorable dans leur démarche, avec vigueur et rapidité. Et vous surprendre.
Que ce soient de gros concurrents, des repreneurs potentiels amicaux ou hostiles, ou même certains de vos partenaires actuels, tous prennent leur temps et se préparent pendant que vous, en toute innocence, continuez votre vie comme la souris.
En Management, cela s’appelle une bonne et sérieuse préparation, les moyens adéquats, l’optimisation des ressources, le choix du meilleur timing, la bonne fenêtre de tir, le jeu des opportunités …
Enfin, il y a le "double prédateur", l'ennemi "dans le soleil" qu'on n'a pas vu venir, trop occupé que l'on était par sa propre traque. Il sera trop content de laisser un de ses concurrents débusquer le gibier, avant de le tirer, soit par surprise (plus rapide) soit par surenchère : "tu mets 500 millions sous conditions, pas de bol, moi j'aligne un milliard cash et tout de suite ". Et le prmier prédateur est lui même doublé : la loi de la jungle entre grands fauves.
LA CIBLE
La cible vit à son rythme, parfois en toute innocence. Elle n’a rien vu, rien anticipé, rien détecté. Elle ne peut même pas concevoir et imaginer qu'elle "est cible" , et que sa vie soit en danger. Elle poursuit donc sa routine et vaque à ses différentes affaires. Lorsque le serpent se détend et se propulse vers elle à une vitesse impressionnante, elle est paralysée, tétanisée, incapable de se mouvoir. Et facilite donc la tâche de son prédateur.
Dans nos vies professionnelles, cette allégorie se transpose à la vie de très nombreuses entreprises ou même de projets internes d’entreprises, qui suivent avec application, pour ne pas dire presque besogneusement, leur routine. Manquant d’expérience, ne disposant ni de vigies ni d’avis extérieurs, ne pouvant prendre le recul nécessaire pour observer « l’ensemble du terrain », ils se mettent en posture d’être des cibles très concrètes pour leurs prédateurs éventuels. L’acte prédateur, qu’il soit commercial ou financier, humain ou d’une autre nature, est tellement soudain qu’il est vécu comme une agression totale.
En Management, cette situation appelle les référentiels de la veille stratégique et de l’observation, de l’anticipation et de la préparation, de l’imagination et de la prospective, de la disruption comme de l’effectuation. Quelle entreprise y est totalement et réellement préparée ?
L’OBSERVATEUR
Il y a toujours des « observateurs extérieurs », qui voient une scène, une situation, d’un autre œil : celui du recul, de la personne qui n’est pas directement impliquée même si elle peut être concernée. Souvent, ils connaissent, pour l’avoir déjà vécue, la suite voire même la fin de l’histoire.
Et l’observateur se pose toujours les mêmes questions : pourquoi la souris ne remarque rien, ne détecte pas cette présence inamicale ? Quand le reptile va-t-il entrer en action, et avec quelle foudroyante rapidité ? Combien de temps cela va-t-il durer cette fois ci ? Va-t-il, comme cela est très rarement le cas, rater sa proie ?
Là encore un très grand nombre d’analogies avec la vie professionnelle sont présentes. Quel est la capacité ou le pouvoir, pour les observateurs, à intervenir ? Voient-ils l’ensemble de la situation, ou une partie seulement de son spectre ? Leur expérience est-elle réelle, profonde ou partielle ? Peuvent-ils, avec une relative précision, vous décrire la scène au préalable, avec tout ce qui va se passer, ou leur description préalable sera trop simple et réductrice, erronée ou fausse ?
J’ajoute que l’on peut rencontrer des « observateurs intéressés » ( Banquiers d’affaires, fonds rapaces, intermédiaires divers, quelques cabinets d’avocats, … ) qui apportent une opportunité au prédateur, non pas pour le nourrir mais pour l’intérêt de se nourrir eux-mêmes d'honoraires et commissions.
LE CHASSEUR
Mais il existe bel et bien une variante à la scène que je vous ai décrite plus haut : un chasseur arrive, tue le prédateur, et siffle la fin de la récré. Et la souris n’aura rien vu, ni su qu’elle vivait potentiellement sa dernière heure. Elle poursuivra sa routine …
Il y aura toujours des prédateurs aux prédateurs. Ils sont hors scope, hors système.
Au passage, nous signalerons un point majeur de Gouvernance : le Conseil d'Administration a pour vocation d'éclairer et de protéger les Dirigeants d'une cible potentielle, en les challengeant comme en les conseillant en permanence. En les avisant et les accompagnant au plus près.
Comme à l'inverse de bien conseiller ceux d'une entreprise prédatrice.
Une Gouvernance saine, sereine et bien huilée n'est pas une assurence-vie, certes, mais certainement un gage de meilleure sécurité. Les Administrateurs indépendants en sont le fer de lance, grace à leur expérience comme à leur unicité au sein du Conseil.
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On en parle ? A très vite, Eric